Biographie de Mark KNOPFLER




LES DEBUTS


Mark Knopfler voit le jour le 12 Août 1949, trois ans et demi avant son frère David. Papa Knopfler, architecte juif, hongrois et communiste, fuit les nazis en 1939 pour s'installer à Glasgow, où il épouse une enseignante. Toute la petite famille émigre quelques années plus tard pour Newcastle. Ce périple à travers les Midlands marque l'entrée en religion(musicale) des frangins, Mark et David; encouragés en la matière par une mère (pianiste à l'occasion) et un père s'honorant de connaître les premiers rudiments de violon Même si je ne me souviens de l'en avoir vu jouer qu'une seule fois !, ironisera affectueusement Mark plus tard). La première guitare à intégrer le foyer familial est une Supersolid "à deux pick-ups, pour laquelle Mark avait préféré sacrifier une croisière d'une semaine (ledit instrument trône aujourd'hui chez David). L'aîné des Knopfler commence alors à s'acoquiner avec quelques groupes pour des bals d'écoles avant de former dans la foulée Rock Machine où il s'illustre à la batterie ! A la même époque, David fait la connaissance d'un type qui faisait les marchés qui lui paie un aller pour Londres et une opportunité d'enregistrement qui n'aboutira naturellement pas. Parmi les autres expériences de jeunesse, à noter, la participation de Mark à une troupe du Théâtre National de Jeunesse, adepte du freestyle expérimental, typique du début des années soixante. Les deux frères sont séparés en 1967. Mark gagne le Sud pour des études de journalisme au Technical College de Harlow. C'est donc fort logiquement qu'il plie bagage l'année suivante : direction Leeds et la rédaction du Yorkshire Evening Post dont il fait les beaux jours deux années durant. Là, il se marie puis rompt. Découvrant une annonce dans Melody Maker, il part pour Londres et passe une audition pour les Brewers Droop, gang de joyeux lurons gentiment réputé dans le circuit des facs; Mark n'y restera que deux mois, se lançant, pour subsister, dans des cours de formation d'enseignant avant d'obtenir un emploi de conférencier au Loughton College dans l'Essex. Il y fonde un nouveau groupe, The Café Racers, adepte d'un rockabilly forcené. Un soir qu'il se trouve en passe de bassiste, Mark se souvient d'un certain John Illsley que lui avait présenté David. La combinaison fonctionne à merveille; mais l'un comme l'autre prennent vite conscience que le groupe se mord la queue. Il est temps de passer la vitesse supérieure.

En avril 1977, Mark rend son appartement et s'installe avec David et John à la Farrar house de Deptford, un quartier ouvrier du sud-est londonien naguère florissant. De répétition en répétition, une osmose nouvelle voit le jour et les compos commencent à prendre corps. Mark délaissant progressivement le médiator pour le fingerpicking qui deviendra la "Mark" de fabrique du Dire Straits naissant (reprenant là un concept entrevu dix ans auparavant aux côtés de Sue Hercombe, une de ses copines de classe avec qui il avait fondé un duo guitare/voix, ayant même alors les honneurs d'un passage sur une T.V. locale). Les bases sont établies, Knopfler et consorts composent alors les Wild West End, Southbound Again et le futur mythique Sultans Of Swing, en référence à un orchestre de jazz qui jouait un air traditionnel de la New Orleans (un Sultans... accouché dans une "orchestration" à des années-lumière de la version mondialement adoptée). Il reste néanmoins un ultime écueil à surmonter : trouver un batteur. Pick Withers fait son entrée dans la communauté ("comme si c'était tout naturel", dixit Knopfler). Se produisant jusqu'alors dans un folk-club, il dut, selon son propre aveu, en passer par une période d'adaptation afin de s'acclimater aux essences rock'n'rolliennes de sa nouvelle famille ! En cet été 1977, la "reacute;volte" punk bat son plein. Il est donc fort logique que la première apparition scénique de ceux qui se nomment toujours les Café Racers ait pour cadre un festival où les crêtes d'Iroquois et les T-shirts "Légalisez les épingles à nourrice" font l'unanimité. Une indifférence générale salue cette première demi-heure sur les planches, ponctuée des compos maison, fraîchement sorties des usines Knopfler et de reprises de Ry Cooder et de Brenda Lee. Cette entrée en matière, glaciale, n'empêche pas nos garçons d'obtenir une première partie de Squeeze.

A la même époque, un ami de Pick leur suggère d'adopter un nouveau patronyme, Dire Straits, plus en rapport avec leur situation financière (littéralement, to be in dire straits : être dans la dèche !). L'essayer c'est l'adopter, et ce, malgré les réticences de certains "décideurs", Phonogram notamment ! D'autres concerts suivront, tant bien sue mal (plutôt mal !), les tourneurs londoniens ne jurant alors que par les quatre lettres composant le mot punk. Banco ! le groupe réunit ses derniers fonds (cent vingt livres) dans la perspective d'une maquette au Pathways Studios d'Islington. Sont alors mis en boîte Sultans Of Swing (dans une version considérée par ceux qui l'ont entendue comme la meilleure jamais enregistrée) Wild West End, Down To The Waterline, Water Of Love ainsi qu'une composition de David, Sacred Loving (vite tombée dans les oubliettes). John Illsley s'empresse d'envoyer ladite cassette à Charlie Gillet, animateur sur BBC Radio London.

"Tétanisé" par ces cinq titres, le sieur Gillett les diffuse dès le dimanche suivant sans même en informer les intéressés qui oublieront de coller l'oreille au transistor, tout accaparés par le déménagement d'un copain. Les directeurs artistiques se ruent au téléphone, au premier rang John Stainze de Phonogram. Un autre D.A., qui quittait Londres en voiture, avouera plus tard s'être arrêté sur le bord de la route afin d'écouter lesdits enregistrements, de peur d'une "faiblesse coupable" de l'émetteur Radio London ! S'engage alors une foire d'empoigne entre maisons de disques pour s'approprier le "bébé", bataille rangée dont Phonogram sortira vainqueur pour avoir proposé aux "crève-la-faim" un contrat sur trois albums tandis que d'autres plus pinailleurs se contentaient "bravement" d'un 45-tours ou... d'alcool et de dope à volonté pour les plus délurés ! John Stainze prend contact avec Ed Bicknell début décembre 1977, ce dernier devient le manager officiel de Dire Straits.



LE SUCCES

Dès janvier 1978, avant d'entrer en studio le soir de la Saint-Valentin, le groupe s'engage dans sa première tournée en ouverture des Talking Heads. Trois semaines plus tard, l'album est mixé, avec à la production Muff Winwood, le frère de Steve. Les titres signés Mark sont retenus alors qu'Eastbound Train, qui sera le premier morceau publié par le gang, figurera sur la compilation "Front Row Festival", coincée entre XTC, les Stranglers et autres réjouissances. En mars, Dire Straits s'installe au mythique Marquee, embrasant les foules par son Sultans Of Swing dont Phonogram réclame une version 45 tours plus vive, plus incisive et qui sera publiée en mai alors que le groupe entame sa première tournée européenne aux côtés de Styx : un véritable désastre ! L'album sort au mois de juin (le 8) et est plus que fraîchement accueilli par le public, la presse saluant la galette comme une véritable révélation.

C'est d'ailleurs sur le Vieux Continent et aux états-Unis que Dire Straits trouve son salut, la Belgique et la Hollande étant les premières à adopter le bijou. Apparaît en même temps la guitare rouge, réalisée par Chuck Loyola, un logo adopté par le groupe jusqu'en 1985. Désireux de transformer ce premier essai au plus vite (et un peu précipitamment !), Phonogram s'attelle à la préparation du deuxième album produit par Jerry Wexler, référence suprême dans le métier pour avoir épaulé autant Ray Charles que Bob Dylan et la moitié des artistes du catalogue Atlantic ! Histoire de roder les nouvelles compositions, le groupe s'engage dans une nouvelle tournée européenne avant de s'envoler en novembre pour les Compass Point Studios de Nassau, ce choix des Bahamas relevant autant de considérations géographiques que "bassement"fiscales.

Entre temps, le premier 30 cm s'installe en tête des charts australiens et néo-zélandais. L'influence de Wexler sur l'essence de "Communiqué" est évidente, Knopfler et consorts baignant dans des atmosphères qui ne sont pas sans rappeler la moiteur du Sud américain. Lady Writer, suite un peu trop voyante de Sultans... sera extraite de l'album, en guise de single. Les premières lueurs de 1979 sont consacrées au mixage (aux Studios de Muscle Schoals) de cette suite bleutée avant que le groupe n'embraye par une tournée américaine à l'heure même où "Communiqué" fait un véritable carton et que Sultans Of Swing s'offre une rutilante deuxième carrière. C'est l'effet boule de neige puisque la Grande-Bretagne se réveille à son tour (enfin !). Mark Knopfler est invité à participer à l'album "Gaucho" de Steely Dan, expérience dont il ne gardera pas un excellent souvenir. Maniaques de la perfection, Donald Fagen et Walter Becker ne se gênent pas pour faire tourner le bonhomme en bourrique, en lui réclamant mille et une versions du seul titre auquel il collabore finalement, Time Out Of Mind. Une autre rencontre sera plus riche d'enseignements : par l'entremise de Jerry Wexler, Knopfler entre en contact avec Bob Dylan, en passe de rentrer en studio pour "Slow Train Coming", en qui beaucoup verront le réveil inespéré du Zim. Ce dernier ira jusqu'à déclarer qu'il tenait là son "premier album professionnel". Quel hommage à un Knopfler, véritable chef d'orchestre et épine dorsale du projet. "Communiqué" que Jerry Wexler voulait baptiser News, titre plus... actuel à son goût, sort en juin. Malgré la popularité naissante du groupe, l'album se vend mal car exempt d'un porte drapeau aussi flamboyant que Sultans Of Swing.

Mark sombre dans des problèmes affectifs qui ne tardent pas à transpirer dans la presse, ce qui conduira l'intéressé aux accents sarcastiques de titres comme Romeo And Juliet ou Solid Rock sur l'album suivant. La tournée européenne n'engendre d'ailleurs pas la gaieté débridée, et le groupe se retrouve en studio au Power Station de New York avec Jimmy Lovine dans le fauteuil du producteur, tout auréolé de ses glorieux antécédents aux côtés de Patti Smith, Tom Petty ou Graham Parker. On murmure alors que Lovine a refusé une offre de Foreigner pour s'atteler au devenir de Dire Straits. Roy Bittan, le pianiste-claviériste du E. Street Band de Bruce Springsteen intègre le groupe et les séances s'enchaînent avec une énergie retrouvée. Un nouvel accroc noirci malheureusement le tableau. David Knopfler est éjecté de l'organigramme sans ménagement. Inextricablement enfoncé dans des complexes de "petit frère", David profite du revirement musical du gang pour entrevoir une carrière solo, qui ne dépassera malheureusement pas le stade de la confidentialité.

"Making Movies", un temps baptisé Tunnel Of Love, accapare Knopfler tout au long de l'été 1980, pour finalement sortir en octobre. L'effet de surprise est total : les pièces maîtresses que sont Tunnel Of Love ou Romeo And Juliet rivalisent de lyrisme tandis que les brûlots Expresso Love ou Solid Rock rappellent le Dire Straits basique, redoutablement efficace. Sid McGinnis, guitariste chargé de remplacer David, se révèle trop... exigeant pour espérer poursuivre une collaboration poussée. Il laisse sa place à un autre Américain, Hal Lindes. Roy Bittan, rappelé par le Boss, est remplacé par Alan Clark qui accompagna un temps le Geordie de Brian Johnson, passé depuis (avec casquette et gosier) chez AC/DC. Suit une nouvelle tournée, sur le continent nord-américain, avec un point d'orgue, le concert au Roxy de Los Angeles où Roy Bittan vient prêter main forte à ses ex-compères pour une version d'anthologie de Tunnel Of Love (le gaillard sortant tout juste d'un set springsteenien à la Sport Arena). Présent dans la salle, Bob Dylan convie Knopfler à une jam-session improvisée dans un hôtel, avant de lui proposer les bandes de titres inédits dont il le charge d'arrangements soyeux (l'album en question ne sortira jamais). Quoi qu'il en soit, la tournée mondiale se poursuit sans ombrage, Mark se payant même le luxe de proposer, à un public estomaqué, une longue plage impressionnante, sous la forme de Telegraph Road. Le guitariste "sombre", alors, dans l'incontinence musicale, ce ne sont pas moins de vingt titres qu'il présente à un staff de Phonogram pris de panique à l'heure de s'entendre réclamer un double album. Ed Bicknell et John Illsley se chargeront de ramener Knopfler à de plus sages résolutions, contraignants ce dernier à faire son deuil de chansons qu'il s'empressera d'offrir à d'autres.

Private Dancer, futur bonheur de Tina Turner pour un come-back inespéré, et The Way It Always Starts présent sur la bande originale de "Local Hero", font partie de ces "chutes" ! Alors que "Making Movies" déchaîne les passions dans les deux hémisphères (devenant en Italie l'une des plus grosses ventes de l'histoire discographique transalpine, toutes catégories confondues). Dire Straits réinvestit en mars 1982 le Power Station, et ce, jusqu'en juin, pour ce qui allait devenir l'album le plus aventuriste du groupe, "Love Over Gold". Désormais sûr de son fait, Knopfler se charge seul de la production, secondé par l'ingénieur du son Neil Dorfsman. Le gang ne fait pas dans la facilité, commercialement parlant, puisque c'est Private Investigations, longue plage au tempo résolument lent qui fait office de premier single. Bien lui en prend, ces "enquêtes" lui offrent l'opportunité d'un numéro un en Angleterre, une première en la matière.

"Love Over Gold" suivra le même chemin dans l'Europe entière, déjouant ainsi tous les pronostics, quant à son caractère risqué. Tout irait donc pour le mieux si un nouvel événement ne venait marquer la destinée du groupe. Imitant de façon quasi symétrique David Knopfler trois ans auparavant, Pick Withers quitte le navire dès les enregistrements de ce nouvel album achevés, perplexe sur le devenir du "rôle de la batterie au sein de Dire Straits". Quelque peu désarmé par cette nouvelle démission, Knopfler hésite longuement avant de finalement porter son choix sur Terry Williams, plus rock que son prédécesseur pour avoir, entre autres, partagé les destinées du Rockpile de Dave Edmunds et de Nick Lowe. Le sieur Williams plonge vite dans le bain; son nouveau patron décide d'enregistrer un mini-album où la part belle est laissée à une résurgence de titres tranchants et... dansants. Dans l'esprit de Mark, "Twisting By The Pool" doit réduire au silence les critiques tombés à bras raccourcis sur "Love Over Gold" qualifié de pompeux et de singulièrement rébarbatif.

Les pendules ainsi remises à l'heure, Knopfler s'envole pour New York où l'attend à nouveau Bob Dylan (il a décidément de la suite dans les idées) pour les sessions d'enregistrement de "Infidels", l'album de la rédemption. Mark hérite de la casquette de producteur/guitariste en chef, emmenant dans ses bagages Alan Clark aux claviers afin de se frotter à la paire rythmique Sly Robbie tandis que l'ex-Rolling Stone, Mick Taylor, est appelé en renfort pour quelques solos ! Une trentaine de titres sont ainsi emmagasinés et gravés avant que Mark ne doive se soustraire aux obligations d'une énième tournée européenne avec Dire Straits, persuadé d'avoir terminé sa tâche. La versatilité endémique de Dylan en décidera autrement, comme s'en plaindra plus tard un Knopfler qui ne sera plus crédité qu'en tant que coproducteur : "Infidels" est certes un excellent album mais il aurait pu être meilleur encore si on m'avait permis de le mixer comme cela était prévu au préalable. Dylan n'a pas su, ou n'a pas voulu, attendre que je revienne de tournée pour que je m'occupe personnellement du mixage final. Il a décidé d'un seul coup qu'il fallait sortir l'album au plus vite.Ces quelques restrictions n'empêcheront pas "Infidels" de marquer d'une empreinte indélébile l'année 1983 malgré une date de commercialisation tardive (novembre).

Mark Knopfler n'a d'ailleurs pas le temps de s'appesantir sur ces petites complications puisque la tournée mondiale des Straits bat son plein et que l'on affiche complet à chacune des représentations. Effet direct de son succès interplanétaire, le gang tourne à l'artillerie lourde avec l'adjonction de nouveaux membres intérimaires : Mel Collins, déjà présent sur "Twisting By The Pool" au saxophone, Guy Fletcher et Mike Mandel complétant la section cuivres, nouvelle lubie de Knopfler. La tournée en question donnera naissance au double live "Alchemy", témoignage un peu aseptisé des ambiances "orgiaques" alors perpétrées. Dire Straits est désormais devenu une institution, un incontournable barbare ravageant tout sur son passage. Une situation qui n'est pas sans gêner un Knopfler plus enclin à revendiquer un statut de musicien qu'une étiquette de rock-star surmédiatisée. Relation de cause à effet ou pas, il se fait alors, fort de privilégier des collaborations extérieures tous azimuts, filant de-ci, un coup de paluche à son frère pour aventure solo ("Release") ou composant de-là, des bandes originales de films (Cal, Comfort And Joy). John Illsley en profite, à son tour, pour sortir son propre album, "Never Told A Soul". Les premières rumeurs d'une cessation d'activité de Dire Straits commencent à poindre leur nez. Il n'en sera rien. Mark sonne, en effet, le rassemblement général en janvier 1985, convint ses acolytes à le rejoindre à Montserrat. Profitant des douceurs envoûtantes des Antilles, Dire Straits s'enferme quatre mois dans les Air Studios, une "retraite" qui accouchera de al lame de fond "Brothers In Arms" dont nous découvrirons les premiers gazouillis en mai.

Attendu, l'album tiendra toutes ses promesses, et ce, presque instantanément. Presque, en effet, puisque le premier single extrait, So Far Away, laissera sensiblement de marbre les aficionados. Un faux départ vite relégué au rayon des péripéties dès l'arrivée du désormais quasi mythique Money For Nothing; clin d'oeil ostensible à MTV où s'envole la voix de Sting dans un essaim de riffs entêtants. Hal Lindes n'est désormais plus de la partie, supplanté par un nouvel américain : Jack Sonni. Les garçons lancent dans la foulée une gigantesque tournée (qui durera plus d'un an et demi). En juillet, ils concluent une série de dix concerts au Wembley Arena par une participation au Live Aid. Alan Clark quitte à son tour le groupe, laissant le siège vacant à Guy Fletcher reconverti claviériste pour la circonstance.

"Brothers In Arms" s'installe durablement dans les charts planétaires, les différents singles (Money For Nothing, Brothers In Arms, Walk Of Life et So Far Away finalement "réhabilité") se plaisent à se déloger mutuellement et successivement. On ingurgite du Dire Straits à toutes les sauces ! Lassé et quelque peu effrayé par tant de sollicitudes, Knopfler octroie à ses condisciples un congé sans solde afin de replonger dans des directions plus personnelles résolument moins commerciales et plus intimistes, se contentant de rares apparitions comme cette réunion épisodique avec Eric Clapton en janvier 1987 au Royal Albert Hall ou d'un duo, en mars, aux côtés de Chet Atkins pour le "Secret Policeman's Third Ball", en soutien à Amnesty International. Il se consacre à de nouvelles musiques de films, retrouve ses galons de producteur au service de Willy DeVille ou de Randy Newman avant de se lancer dans une nouvelle aventure que tous les oracles annoncent comme irrémédiablement... casse-gueule : The Notting Hillbillies. Le public transformera ces aimables "devoirs de vacances" en nouvelle consécration. Dire Straits se retrouve au grand complet lors du concert de Wembley pour le soixante dixième anniversaire de Nelson Mandela (juin 1988), agrémenté de la présence d'Eric Clapton en second guitariste et pour la "constellation d'étoiles" de Knebworth en 1990. On ne donne pourtant pas cher de l'avenir des "raides fauchés" d'antan, tant Knopfler semble réfractaire à réactiver l'entreprise. C'était compter sans l'effet revigorant des multiples activités annexes du bonhomme au cours de ces trois années passées.

La réunion au sommet est programmée pour 1991 avec pour lieu de villégiature les Air Studios de Londres (Oxford Circus). si John Illsley et Guy Fletcher sont toujours fidèles au poste, on constate avec surprise le retour d'Alan Clark. Les petits nouveaux ont pour noms Paul Franklin (pedal-steel), Phil Palmer (guitare, débauché chez... Clapton !). Rayon batteries, Jeff Porcaro et Manu Katché sont venus rendre une visite de politesse. "On Every Street"déboule à la rentrée 91 et ne tarde pas à prendre ses aises grâce à la moelle suave des Calling Elvis ou Heavy Fuel. L'album est encore loin de faire l'unanimité et est taxé par la presse d'essoufflement créatif. Le public, lui, répond présent et se masse religieusement à l'entrée des arènes accueillant la nouvelle tournée mondiale dont Paris a connu fin avril 1992, une seconde escale. Malgré des débuts difficiles, Dire Straits a progressivement et consciencieusement rattrapé le temps perdu et se positionne aujourd'hui comme une figure emblématique de la scène musicale.

"Guitar World" n°36 Juillet-Août 1992

By Tony